Un temps pour tout
« Il y a un temps pour tout » me répétait sans cesse mon père. « Un temps pour s’amuser et un temps pour étudier » ! Jamais je n’aurais imaginé que quarante ans plus tard, je serais à ce point attentif aux temps. La différence, c’est que je ne vous parle pas du temps qui passe, ni du moment opportun pour gérer une activité plutôt qu’une autre. J’évoque le temps de conjugaison ou plutôt le mode, devrais-je dire pour être complet, car le conditionnel peut être employé comme temps ou comme mode. J’ai un ami qui s’appelle Bescherelle et qui vous en parlera bien mieux que moi. Je vous fais cadeau du conditionnel passé et je retiendrai que le conditionnel présent, est formé à partir du radical du futur auquel on ajoute les terminaisons de l’imparfait. Quel voyage dans le temps me direz-vous et tout ça pour quel résultat ?
Je clame haut et fort que ces terminaisons apparemment anodines rendent le conditionnel totalement imparfait au sens propre mes chers amis.
Oui, faire usage du conditionnel vous rend totalement impuissants au sein du couple, c’est mon propos osé, mais également ailleurs, dans le Management, la gestion d’équipe ou dans les joutes verbales entre parents et enfants.
Prenons un exemple concret : combien de fois avez-vous déjà évalué le taux d’engagement de votre partenaire dans votre relation de couple ? J’observe que très souvent la question suivante est posée :
« Mon bébé, ma caille, mon chéri ou ma chérie (choisissez le terme qui vous représente le mieux) qu’est-ce que tu serais prêt(e) à faire pour me prouver ton amour » ?
« Oh mon amour, pour toi, je serais prêt(e) à manger des insectes, gravir l’Everest (je vous recommande le film « Ascension » disponible sur Netflix et qui aborde exactement cette option), traverser la Manche à la nage, sauter en parachute ou à l’élastique (ces 2 options sont évoquées par de très nombreux couples), faire une journée de shopping, décrocher la lune… »
« C’est trop mignon mon amour…et dis-moi…qu’est-ce que tu ferais en premier » ?
« Probablement que je décrocherais la Lune mon coeur » …
Je vous propose à présent de mettre une nuance presque imperceptible dans vos questions…sur la terminaison qui était si imparfaite à mes yeux tout à l’heure. Cela donne, après le petit nom sympa que vous utilisez entre vous :
« … qu’est-ce que tu seras prêt(e) à faire pour me prouver ton amour » ?
Il y a fort à parier que votre partenaire aura saisi la nuance mais que son cerveau pétri d’habitudes s’empressera de répondre de la même façon :
« Je répète, mon amour, pour toi, je serais prêt(e) à manger des insectes, gravir l’Everest, traverser la Manche à la nage, sauter en parachute ou à l’élastique, faire une journée de shopping, décrocher la lune… »
« Dis-moi, qu’est-ce que tu FERAS en premier » ?
« Euh…je crois que…je vais sortir les poubelles… » !
Vous l’avez compris, le conditionnel n’engage strictement à rien. En revanche, vous l’avez probablement senti, le futur est beaucoup plus engageant et dès lors nettement moins confortable. Nous sommes pourtant câblés sur l’autoroute du conditionnel.
« Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu ferais » ?
« Dans un monde idéal, monsieur le client, qu’est-ce que vous feriez » ?
Ces questions vous seront probablement utiles selon le contexte, l’objectif ou l’interlocuteur mais si vous souhaitez vraiment induire une action, je vous invite à abandonner la forme douce et polie pour lui préférer une déclinaison au futur dans laquelle le questionné pourra réellement se projeter.
« En tête-à-tête, tu dirais quoi » ? ➡ « En tête-à-tête tu diras quoi » ?
« Tu te sentirais comment d’avoir osé » ? ➡ « Tu te sentiras comment d’avoir osé » ?
« Et ça changerait quoi d’après-toi » ? ➡ « Et ça changera quoi d’après-toi » ?
“Le conditionnel est la plus jolie conjugaison du monde, et il va sans dire, la plus confortable.” (Paule Saint-Onge / La saison de l’inconfort)
Quand vous aurez testé et adopté la formulation au futur, qu’est-ce qui deviendra possible ? Abandonner le conditionnel vous permettra de gagner quoi ?